Origine et Géographie de la Kabylie

Schema densemble des aires linguistiques du nord-est algerien du milieu du xixe siecle au milieu du xxe siecle
Schema densemble des aires linguistiques du nord-est algerien du milieu du xixe siecle au milieu du xxe siecle

Toponymie: En français, « Kabylie » dérive de « Kabyle », que l’étymologie la plus couramment admise fait dériver de l’arabe qabā’il, pluriel de qabila, « tribu ». Au sens premier, les Kabyles seraient donc simplement les « gens des tribus ».

Dans l’histoire précoloniale de l’Afrique du Nord, la tribu est la forme d’organisation sociale qui s’est maintenue contre ou malgré toutes les tentatives de soumission des États (makhzen) émergents. Les officiers français, successeurs du makhzen ottoman, se sont d’abord servis du terme pour distinguer moins une ethnie ou une région précises qu’un type d’adversaire particulièrement opiniâtre : le montagnard. Mais le mot fut aussi employé pour désigner de façon plus spécifique les seuls montagnards berbérophones ou encore, en un sens plus général, tous les Berbères sédentaires, voire tous les sédentaires d’Afrique du Nord.

L’introduction du toponyme semble due aux voyageurs européens : on n’en trouve pas de trace plus ancienne chez les auteurs d’expression arabe. Les berbérophones de la région la nomment en kabyle « Tamurt n Leqbayel »« pays des Kabyles », ou plus simplement « Tamurt », qui signifie « terre natale », « patrie ». Les arabophones l’appellent « بَلَد القبائل » , littéralement « pays des tribus ».

Localisation

Mauretania et Numidia

L’Afrique du Nord-Ouest à l’époque de Carthage (carte en incrustation) et de Rome (carte principale).

La dénomination « Kabylie » (au singulier ou au pluriel) était initialement appliquée à toutes les régions peuplées de Kabyles, à tous les sens de ce terme, et avait donc la même polysémie que lui. Mais elle prit à partir du milieu du xixe siècle une signification plus précise, pour être progressivement réservée à l’ensemble d’un seul tenant que forment les montagnes telliennes entre Alger et Constantine, autour des massifs du Djurdjura et des Babors. Le mot « Kabyle » se vit à son tour redéfini pour ne plus s’appliquer qu’à la population habitant ou originaire de la région ainsi circonscrite, qui était encore presque entièrement berbérophone. De fait, la géographie physique ne suffit pas, notamment vers l’est, à borner précisément cet espace généralement décrit comme une juxtaposition de « Kabylies ». Il peut encore s’étendre, en s’en tenant aux sources contemporaines, tantôt jusqu’au contact des confins algéro-tunisiens, tantôt jusqu’en vue d’Annaba, tantôt jusqu’à la péninsule de Collo, cette dernière définition renvoyant, au-delà de la géographie physique, à une unité humaine marquée sinon partout par une même langue, du moins par un même mode de vie paysan.

Toutefois l’usage courant, avalisant l’importance de la langue, tend à faire sortir de cet ensemble ses franges les plus arabisées et notamment, à l’est, celles situées, dans l’organisation territoriale de 1984, aux marges des wilayas de Mila, Constantine et Skikda. Chez les Kabyles des années 1950 déjà, le mot Aqbayli, bien que sans traduction territoriale rigoureuse, renvoyait grossièrement à un espace compris entre Thenia d’un côté, Sétif et Jijel de l’autre, périmètre qui englobe, dans le découpage de 1984, les wilayas de Tizi Ouzou et Béjaïa, l’est de celle de Boumerdès, le nord de celles de Bouira, Bordj Bou Arreridj et Sétif et l’ouest de la wilaya de Jijel. Les cartes en circulation dans la mouvance régionaliste contemporaine reprennent le cadre de ces sept wilayas. Enfin, selon une forme de métonymie, l’étude de la Kabylie se borne souvent de fait à sa partie nord-occidentale, la Grande Kabylie, étendue tout au plus jusqu’à l’ouest de Béjaïa pour inclure la majeure partie de l’aire kabylophone actuelle.

Relief et subdivisions de la Kabylie

Composante de l’Atlas tellien située en bordure de la mer Méditerranée, la Kabylie tire son unité physique du relief montagneux qu’évoque son surnom traditionnel de Tamurt idurar, « pays des montagnes ». L’altitude y connaît cependant des variations et des ruptures qui sont le support de plusieurs subdivisions. La principale est celle qui sépare Grande et Petite Kabylies. Sa délimitation usuelle, qui correspond à celle des dialectes « occidentaux » et « orientaux » du kabyle, passe dans sa partie méridionale sur les hauteurs du Djurdjura, recoupant ainsi une distinction traditionnelle, selon l’altitude des habitations, entre « ceux d’en-haut » (Seff Ufella) et « ceux d’en-bas » (Seff Wadda) ; au nord, en revanche, elle n’a pas de support naturel nettement défini, mais suit une ligne de partage historique utilisée à diverses reprises : wilayas algériennes, départements d’Alger et de Constantine sous la colonisation française, beyliks de Médéa et de Constantine sous la Régence d’Alger.

Thaletat lun des sommets du Djurdjura

Thaletat lun des sommets du Djurdjura

Grande Kabylie

La Grande Kabylie se distingue par son altitude des régions voisines et s’étend, du nord au sud, de la côte méditerranéenne jusqu’aux crêtes du Djurdjura. Trois ensembles montagneux en occupent la plus grande part:

  • au nord, jusqu’à la mer, et à l’est, les hauts massifs boisés de la Kabylie maritime, région côtière qui culmine au mont Tamgout (1 278 m), et de l’Akfadou, qui marque le début de la Petite Kabylie ;
  • au sud, la chaîne calcaire du Djurdjura, surplombant au nord-ouest la dépression Draa El Mizan-Ouadhia, au sud la vallée de l’oued Sahel-Soummam, et culminant au Lalla-Khadîdja (Tamgut Aâlayen), plus haut sommet de l’Atlas tellien (2 308 m) ;
  • entre les deux, bordées au nord par le bassin du Sebaou, jouxtant le Djurdjura au sud-est, profondément entaillées par de nombreuses gorges, les montagnes anciennes du massif de l’Agawa, le plus densément peuplé, avec huit cents mètres d’altitude moyenne. C’est là que se trouvent Tizi Ouzou, principale ville de Grande Kabylie, et Larbaâ Nath Irathen, centre urbain le plus élevé de la région, à environ mille mètres d’altitude.

Le territoire de la Grande Kabylie recouvre aujourd’hui la wilaya de Tizi Ouzou et une partie de celle de Bouira. Les expressions de « Haute Kabylie » ou de « Kabylie du Djurdjura » sont souvent employées comme synonymes de « Grande Kabylie », l’une ou l’autre de ces appellations pouvant aussi désigner, plus spécifiquement, la partie située au sud du Sebaou. Les franges méridionales de la région, au sud du Djurdjura, autour de la vallée de l’oued Sahel, peuvent être considérées comme un ensemble à part, distinct des Grande et Petite Kabylies et centré sur la ville de Bouira.

Petite Kabylie

Le cap Carbon a proximite de Bejaia

Le cap Carbon a proximite de Bejaia

La Petite Kabylie gravite quant à elle autour de Béjaïa, l’antique Saldae, la plus grande ville de Kabylie, surnommée Bgayet n Lejdud (« Béjaïa des ancêtres »). Son territoire reprend en partie les contours de l’ancienne province de Bougie décrite par Ibn Khaldoun. Elle englobe la vallée de la Soummam jusqu’à la côte et se poursuit par la « Corniche kabyle », qui surplombe la Méditerranée entre Béjaïa et Jijel. Plus au nord, elle s’étend sur les versants du Djurdjura oriental et de l’Akfadou (point culminant à 1 623 m). Elle se prolonge vers le sud jusqu’à la chaîne des Bibans et vers l’est par celle des Babors, dont le mont éponyme est le plus haut sommet de la sous-région (2 004 m) et qui est elle-même bordée au sud par le Guergour. Les définitions les plus larges y ajoutent le massif de Collo, qui forme l’hinterland du cap Bougaroun, voire les montagnes qui bordent la plaine d’Annaba.

Par sa superficie, la Petite Kabylie n’est pas plus « petite » que la Grande, mais plus étendue si on ne la limite pas à la wilaya de Béjaïa. Toutefois elle est morcelée par le relief, à tel point qu’on peut parler de plusieurs « Petites Kabylies » : Kabylie de la Soummam, parfois rattachée, du moins pour son versant nord, à la Grande Kabylie ; Kabylie des Babors, parfois considérée comme « la » Petite Kabylie stricto sensu ; Kabylies des Bibans et du Guergour ; Kabylie de Collo et Kabylie orientale, qui peuvent aussi être traitées comme des ensembles à part.

L’expression de « Basse Kabylie », fréquemment utilisée comme équivalent de « Petite Kabylie », sert également à désigner une autre partie de la région, celle qui s’étend entre la Mitidja et la basse vallée du Sebaou. Premier sous-ensemble kabyle rencontré en venant d’Alger, c’est un espace de transition entre plaine et montagne. Beaucoup moins étendue que ses voisines, la Basse Kabylie est aujourd’hui englobée dans la wilaya de Boumerdès.

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